Le mardi 3 novembre à 11h44, les femmes françaises ont commencé à travailler sans être payées, si l’on prend en compte les revenus annuels moyens des salariés ! C’est-à-dire que si l’égalité salariale était considérée, les femmes en France, ne recevraient plus de salaire et travailleraient donc gratuitement à partir de ce 3 novembre jusqu’au 31 décembre 2018…

Quand quelqu’un mentionne l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes, nous entendons souvent suivre : « salaire égal pour travail égal » ou encore « même rémunération pour un travail de même valeur » Ce qui pourrait insinuer que les femmes sont payées moins, pour faire le même travail. Ce qui signifie aussi que les femmes sont payées moins pour le simple fait d’être femme. Dans ce cas, nous pouvons mettre un mot sur la situation, la discrimination. Mais de nombreux corpus de recherches montrent que cette discrimination n’explique qu’une petite partie de cet écart de rémunération.

Pourquoi alors, s’il n’est pas question de discrimination, les femmes sont-elles encore moins payées que les hommes ?

Dans les années 50, les femmes ne travaillaient pas en dehors de la maison. Très rares étaient celles qui travaillaient en tant que main d’œuvre ouvrière. Et celles-ci étaient bien moins éduquées que les hommes car elles ne finissaient souvent pas leurs études supérieures ou bien, ne les entreprenaient même pas.  Le seul rôle professionnel qui leur était attribué était l’enseignement. Aux Etats-Unis, les femmes gagnaient 70 centimes pour chaque dollar que gagnait un homme pour les travaux d’usines ou de bureaux.

Dans ce même contexte, l’écart de salaire tournait autour de 60 cents pour 1 dollar, plusieurs facteurs expliquant cela : un taux d’éducation plus bas chez les femmes, la faible présence des femmes en main d’œuvre, les stéréotypes de travaux « féminins » comme le secrétariat, le regard de la société sur les femmes (moins intelligentes, rôle maternel, incapable de détenir le pouvoir). De plus, la notion de carrière était impensable pour une femme, ajouté au fait qu’il était parfaitement légal de payer une femme moins qu’un homme.

En une décennie, les femmes se sont créé une place, entre autres grâce à l’éducation encouragée. Elles ont reçu des diplômes universitaires et des diplômes supérieurs. Elles sont apparues en grand nombre dans le milieu du travail, allant à des écoles qui ne leur étaient pas accessibles et obtenant des postes qui ne leur étaient pas ouverts quelques années plus tôt. Ainsi, plusieurs des faits qui causaient l’écart des salaires ont rétréci, voire disparu. Sauf un, les femmes doivent élever les enfants.

Même quand les femmes sont devenues médecins, avocates, juges, députées et présidentes, les attentes sociales sont restées les mêmes. Les femmes élèvent les enfants. En effet, dans la totalité des pays, même très développés, les études montrent qu’une petite fraction de la population pense que les femmes devraient travailler à plein temps quand elles ont de jeunes enfants. Contrairement aux hommes, pour qui 70 % de la population pensent qu’un nouveau père devrait travailler à plein temps.

Mais même dans le cas où la mère travaille à plein temps, comme son partenaire masculin, elle passe en moyenne neuf heures par semaine de plus que lui dans l’entretien de la maison et l’éducation de leurs enfants. En un an, c’est l’équivalent de trois mois de travail à plein temps.

Lorsqu’un couple décide d’avoir un enfant, l’homme aura des opportunités de promotions tandis que la femme sera prise par les responsabilités maternelles et se verra refuser ces mêmes opportunités professionnelles par contraintes parentales. En somme, elle ne gagnera plus comme son conjoint tant son expérience faillit. Et à partir de ce point, leur situation continuera de diverger.

Comme il est montré dans de nombreuses études, une naissance affecte les revenus. Ainsi, si l’on compare une courbe de revenus d’une femme ayant des enfants et d’une femme sans enfant, on peut constater que l’écart des salaires ne renvoie pas à la question d’être femme mais plutôt d’être mère.

Pourtant, certaines femmes ne voient pas cela comme un problème, elles veulent passer du temps avec leur enfant, même si cela signifie produire moins de richesses.  Alors, cet écart est fondé sur un choix et non une discrimination.

Mais souvent, les femmes n’ont pas les mêmes choix que les hommes.

Les racines de ce problème sont profondes, car elles touchent à notre conception de la famille. C’est pour cela que cet écart est si difficile à réduire.

Et même si c’est une petite part, et qu’elle varie en fonction du pays et de l’employeur, dans les statistiques, les femmes n’obtiennent toujours pas un salaire égal pour un travail égal, en raison de la discrimination dans des sociétés qui restent patriarcales. Même si cette part, a diminué avec le temps, car les femmes se sont créé une place dans le monde du travail et les mentalités ont évolué.

Sara Ammar, 07/11/2018